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   Les années de commémoration du Centenaire de la guerre 1914-1918 ont déclenché dans la société polynésienne un désir d’en savoir plus sur ce con it qui toucha les plus lointaines des colonies européennes. Les grandes lignes de l’histoire de l’Océanie durant ces quatre années sont connues et enseignées dans les programmes d’histoire. Alors pourquoi un livre sur la Grande Guerre en Polynésie Française était-il devenu nécessaire ?

   Depuis que les historiens se sont penchés sur le rôle et l’engagement des populations des petites colonies françaises durant le con it, les historiques régimentaires et les évènements retenus dans les mémoires n’apparaissaient plus suffisants. En effet, la demande actuelle émane surtout des individus qui souhaitent que leur histoire familiale s’intègre dans l’histoire nationale, voire internationale.

   En ce début de XXIe siècle où la société est atomisée, déstructurée, la micro- histoire et la recherche de sagas familiales peut donner du sens à des évènements perçus comme lointains dans le temps et dans l’espace, appartenant à une histoire mondiale ou nationale difficile à appréhender. Partir de l’histoire des soldats tahitiens, de leurs familles, de leur environnement permet de se comprendre à travers l’histoire des hommes. Les derniers témoins directs disparus, reste une histoire familiale dans laquelle l’arrière-grand-père a côtoyé la Grande Histoire. Comment s’est-t-il trouvé engagé ? Dans quelles conditions a-t-il vécu le départ du pays, la vie sur les fronts des antipodes ? Mais aussi parfois, comment a-t-il trouvé la mort ? Les comment, où, pourquoi fusent à chaque leçon d’histoire en classe, à chaque docu- fiction présenté à la télévision ou à chaque conférence, colloque, article scientifique, ouvrage familial ou historique qui dévoile un peu plus de notre histoire durant la Grande Guerre. Notre siècle encourage souvent l’anachronisme à propos de faits historiques anciens.

   En les rétablissant dans la situation coloniale des Établissements Français de l’Océanie, l’ouvrage de Jean-Christophe Shigetomi rappelle les règles sociales du début du XXe siècle. Verser son sang pour la patrie semble souvent insensé à nos compatriotes, en dehors des milieux professionnels militaires. Les valeurs qui ont permis à nos soldats tahitiens de tenir si loin de leur sol, de mourir pour une patrie utopique sont rappelées ici. Les épreuves de la guerre, les sou rances des hommes mais aussi un certain esprit d’aventure, les moments de rencontre nous font entrer dans cette société du front qui n’a pas fait perdre leur âme à nos soldats.

   La participation des Établissements Français de l’Océanie, comme celle des autres colonies françaises de l’époque, s’est traduite par l’engagement des soldats tahitiens, citoyens ou indigènes. Ils ont combattu principalement dans quelques régiments coloniaux mais on les retrouve dans des dizaines d’autres sur les fronts d’Europe et d’Orient. Les îles Marquises et Tahiti ont été un enjeu de la guerre pour les Allemands de la flotte de l’amiral Graf Von Spee. La spécificité de ces expériences a associé les Océaniens à la guerre mondiale et en a influencé leur destin. En Polynésie Française, comme dans la plupart des villes et villages français, les monuments aux morts sont là pour rappeler au passant que les archipels ont été concernés par la guerre et que des Polynésiens sont morts pour défendre les intérêts de la France et la liberté du monde. Peu de corps ont été rapatriés.
   Les monuments aux morts sont donc les cénotaphes où les familles et les compatriotes exprimaient leur reconnaissance aux sacri és, au-delà de la peine pesant sur les cérémonies officielles. Aujourd’hui, la jeunesse ne se reconnait pas ou peu dans ces cérémonies. Poilus Tahitiens est la forme moderne de l’hommage que la société tahitienne se devait de rendre à tous ceux qui sont partis entre 1914 et 1918.

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